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« Nous composons deux troupeaux selon leur statut sanitaire »

« Le troupeau indemne de besnoitiose porte des boucles vertes et le troupeau non contrôlé des boucles jaunes », explique Pierre Nicolas.

L’alpage du Sénépi scinde ses 850 bovins en deux groupes séparés par une clôture pour limiter la propagation de la besnoitiose.

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Au cœur de l’un des plus grands alpages organisés de France s’opère une véritable stratégie sanitaire. Chaque année, près de 850 bovins se rassemblent de juin à octobre pour valoriser les 1 200 ha que compte l’alpage du Sénépi, en Isère. Limousines, prim’holsteins, montbéliardes, charolaises, brunes des Alpes… Au total, trente-deux éleveurs venus de l’Isère et des Hautes-Alpes fusionnent leurs troupeaux. Un défi sanitaire de taille.

Un contexte propice aux contagions

Sylvain Turc, berger au Sénépi depuis trente-deux ans, veille au grain chaque été. « Des choses se jouent en alpage. Chaque année, nous perdons une à onze vaches. Une mauvaise mammite, et une génisse laitière peut dire adieu à sa carrière. Une boiterie qui traîne et c’est un retour en bas assuré pour la bête », partage-t-il. Mais surtout, avec 850 bovins, le contexte est propice aux contagions.

Alors les gestionnaires de l’alpage ont pris les devants. « Le statut indemne d’IBR (1) est demandé sur l’alpage depuis trente ans, rembobine Pierre Nicolas, président du groupement pastoral du Sénépi, bien avant que le dépistage soit obligatoire en France. Pour la BVD (2), même combat. Être alpagiste nous pousse à être précurseurs. »

Un troupeau indemne

Depuis quelques années, c’est la besnoitiose qui est dans le viseur de l’éleveur, maladie émergente en forte progression en France. Après avoir dû abattre 30 % de son troupeau laitier contaminé par quelques génisses descendues d’alpage positives à la maladie en 2018, Pierre Nicolas s’est retroussé les manches pour ne jamais revivre ce scénario.

« Depuis 2019, nous composons tous les ans deux troupeaux séparés qui ne se croisent pas sur l’alpage. L’un est indemne de besnoitiose, l’autre rassemble les vaches positives ou non testées, explique Pierre. Les éleveurs voulant lutter contre la maladie testent leurs vaches six semaines avant la montée et lors de la descente. »

Pour financer les tests, le groupement de défense sanitaire (GDS) de l’Isère a porté un plan sur la besnoitiose, avec des tarifs négociés auprès d’un laboratoire de dépistage et une participation financière du Conseil régional. « Le test revient à 2 euros par éleveur isérois avant la montée et à 3 euros à la descente, car il intègre aussi la brucellose », récapitule Pierre.

Quinze pièges sur l’alpage

Une clôture électrifiée court sur quatre kilomètres pour séparer les deux troupeaux et réduire les contaminations par les insectes piqueurs responsables de la transmission. Cette barrière est positionnée à mi-côte, à des endroits inconfortables et peu accessibles pour les animaux, afin d’éviter qu’ils s’y attardent. « Nous adaptons chaque année le nombre d’hectares de chaque côté de la clôture à la taille des deux troupeaux », détaille Pierre.

Il ne faut pas moins de huit personnes tous les ans pendant une à deux journées pour reposer la clôture. Et les deux troupeaux montent séparément, à deux jours différents. L’un en bétaillère, l’autre à pied. « C’est une organisation contraignante, mais on voit la différence. Nous n’avons comptabilisé que six contaminations dans le troupeau indemne l’an dernier », rapporte Sylvain.

Pour les soins, l’alpage comptabilise quinze pièges, positionnés stratégiquement là où les animaux chaument. Sylvain pose un bloc de sel dans le piège pour familiariser les animaux à l’outil. Les principaux soins concernent les mammites et les boiteries, notamment la maladie de Mortellaro.

Pour éviter les contagions, les dix-neuf points d’eau sont bétonnés. Sylvain s’emploie aussi à disséminer les troupes dans tout l’alpage. « Je les appâte avec de la farine pour qu’elles prennent conscience de l’immensité qui s’offre à elles. »

(1) Rhinotrachéite infectieuse bovine. (2) Diahrrée virale bovine.

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